Voir aussi
panneau 5 de l’exposition La phytoremédiation et qualité de l’eau, une affaire citoyenne ?
au bas de cet article, des renvois vers quelques documents de vulgarisation
La phytoremédiation, à la croisée des interactions entre sol, eaux, polluants (d’origine humaine) et actions des plantes
La phytoremédiation : solution pertinente pour assainir les sols et les eaux ?
La phytoremédiation est une solution basée sur la nature qui connaît un regain d’intérêt au sein de la communauté scientifique depuis une vingtaine d’années. Des expériences dans plusieurs pays donnent des résultats encourageants quant à la diminution de la teneur en polluants aussi bien dans les sols que dans les eaux de surface.
Notons que, si la littérature scientifique s’intéresse depuis quelques décennies déjà à l’assainissement des eaux usées, la prise en compte d’une éventuelle pollution des eaux de ruissellement semble plus récente. Des recherches commencent néanmoins, ici aussi, à donner des résultats intéressants.
Les processus de phytoremédiation qui agissent sur les sols
La phytostabilisation
Ici, les plantes agissent de manière à fixer certaines substances, en quelque sorte à les « emprisonner » par leurs racines, diminuant leur « biodisponibilité ». L’accumulation dans les racines ou encore l’immobilisation dans la rhizosphère empêchent ainsi les polluants d’être lessivés en profondeur ou érodés en surface [1].
La phytoextraction
Certaines plantes peuvent extraire du sol des substances toxiques, en particulier les métaux lourds, et les accumuler dans leurs tissus. Si certaines espèces végétales les dédaignent, d’autres les absorbent en grande quantité. Bien entendu, ici, il convient de faucher régulièrement les plantes saturées en polluants, de les évacuer et de les incinérer. Dans certaines conditions, on peut même après incinération récupérer les métaux. Il existe quelque 440 espèces reconnues hyperaccumulatrices [2].
La phytodégradation et la rhizodégradation
Nous citons ici une brochure de vulgarisation éditée par la Société québécoise phytotechnologie (2016) : « Dans la phytodégradation, aussi appelée phytotransformation, les plantes absorbent et dégradent les polluants organiques dans leurs tissus ou sécrètent des enzymes liées à la dégradation dans la rhizosphère. »
la rhizodégradation est, elle, fondée sur une coopération entre la plante et des bactéries et champignons qui trouvent asile dans ses racines (la rhizosphère) : la dégradation est effectuée par ces micro-organismes, dont la croissance et l’activité sont stimulées par les plantes.
Cependant, ces deux processus sont fortement liés. « Malgré cette distinction théorique, la dégradation dans l’un ou l’autre des deux compartiments est souvent difficile à circonscrire précisément. »
La phytovolatilisation
Dans le cas de la phytovolatilisation, le contaminant est absorbé par les racines puis relâché (sous sa forme initiale ou transformée) dans l’atmosphère par les feuilles grâce à l’évapotranspiration.
Plus d’un-e auteur-e estime que cette technique, d’une certaine manière, déplace le problème [3].
Les processus de phytoremédiation qui agissent sur les eaux
Ces processus-ci traitent directement les pollutions contenues dans les eaux (du réseau hydrographique, des pièces d’eau diverses, des zones humides) tout en faisant – sauf dans le cas des îles flottantes - appel aux propriétés des sols où les plantes concernées s’enracinent..
Le lagunage
Consiste à épurer les eaux usées grâce à l’action combinée des algues, des bactéries et des plantes macrophytes actifs au sein d’un écosystème aquatique artificiel. aux plantes pour les nettoyer des diverses substances (phosphates, nitrates).
La rhizofiltration
Inspirée des phénomènes naturels d’assainissement des zones humides, la rhizofiltration, « appelée également la phytofiltration ou encore la phytoépuration, utilise des racines des plantes pour dégrader et/ou éliminer les polluants des effluents (eaux de surface, eaux souterraines extraites, eaux usées, boues liquides). Les systèmes racinaires favorisent la dégradation et la minéralisation de composés organiques, ils absorbent, précipitent et concentrent les métaux » - (Tatiana Kirpichtchikova, 2010). Nombre de plantes aquatiques courantes sont appelées à la rescousse ici : saules et peupliers, roseau (phragmites australis), scirpes (scirpus ssp), massettes (itypha spp), iris (iris spp), etc. [4].
Quelques exemples de plantes faisant l’objet d’expériences
Le tabouret bleuâtre (noccæa cærulescens)
Cette petite plante de la famille des brassicacées (famille des choux et de la moutarde) est reconnue comme hyperaccumulatrice de cadmium, de zinc et de nickel. En Région bruxelloise, elle fait l’objet de la recherche-action participative, CiDéSol. [https://www.cocreate.brussels/projet/cidesol/]
De façon générale, la famille des brassicacées comprend nombre de grandes accumulatrices : alyssons, colza, etc. [5].
La baldingère (phalaris arundinacæa)
Grande poacée (graminée) parente du roseau, elle accumule des métaux lourds dans ses tissus, elle présente l’avantage d’une croissance rapide. Ainsi que l’a démontré une étude menée à l’Université de Rouen. Voir à ce propos l’exposé d’Axelle Chiffre lors de l’Apéreau relatif à la phytoremédiation, dans le cadre de Brusseau en 2019, dont vous trouverez ici le compte rendu. [6]
Le roseau commun (phragmites australis)
Le roseau reconnu pour son potentiel en termes de rhizofiltration [7]. Il contribue à la stabilisation de certaines substances en plus de posséder un pouvoir d’extraction de métaux lourds [8]. On voit qu’une même plante peut agir simultanément par différents mécanismes d’action.
Iris jaune (Iris pseudoacorus)
Si elle est utilisée pour rhizofiltration, la plante symbole de Bruxelles augmente aussi l’activité des micro-organismes, bactéries et champignons, qui à leur tour dissolvent certaines molécules lourdes (hydrocarbures). [9]
Les saules
Utilisés en rhizofiltration, les saules (1) sont souvent cités en phyto et bioremédiation pour leur potentiel en termes de stabilisation voire d’extraction d’ETM [10].
Quelques avantages de la phytoremédiation
- Des centaines d’espèces (450 à 800 selon les auteurs) dépolluantes ont été identifiées.
- Les coûts d’installation et d’entretien de dispositifs y recourant sont 10 à 100 fois inférieurs à ceux des méthodes classiques.
- Ce sont des solutions moins dommageables pour l’environnement.
- Elles contribuent à la qualité du paysage, à la restauration ou au renforcement de la biodiversité, etc.
Quelques désavantages de la phytoremédiation
Elle s’opère sur des temps longs : le traitement dure plusieurs années.
Les plantes ne peuvent agir plus profondément que leur enracinement.
Il reste beaucoup d’incertitudes.
Mais les recherches continuent
(A suivre)
Quelques références pour en savoir un peu plus sur la question
(Voir aussi notes infrapaginales)
- une brochure de 28 pages publiée par la Société québécoise de phyto-technologie.
- Applications of bioremediation and phytoremediation (11 pages), Christopher J. Rhodes
- (source : www.scienceprogress.co.uk)
- La phytoremédiation, ou comment soigner le sol par les plantes, brève note synthétique publiée par Maxime SCHEEPERS, ULG, 2016