Une économie plurielle pour résister à la pensée unique

De par le monde et dans les instances européennes qui posent les cadres de la gestion de l’eau, la tendance est à vouloir donner une valeur économique à cet élément essentiel pour la vie. A Bruxelles, bien qu’il y ait une volonté affichée de résister à cette tendance, ce risque existe comme ailleurs. Or, militer pour que l’eau soit considérée en tant que bien commun implique selon nous au minimum qu’elle ne devienne pas un bien marchand - sur lequel on fait du profit - et que l’accès à l’eau potable soit ‘universel’.

Ceci dit, les services liés à la potabilisation de l’eau, son acheminement jusqu’à la ville, sa collecte par l’égout et son épuration ont un coût. Ces coûts sont en constante augmentation, notamment à cause des traitements de potabilisation plus sophistiqués, du renouvellement des infrastructures, des normes d’épuration toujours plus sévères, etc. Les coûts environnementaux de cette gestion sont encore mésestimés et non intégrés dans le prix de l’eau à Bruxelles. Comment dès lors recouvrir ces coûts ?

Si le prix de l’eau des ménages bruxellois est calculé à partir de la quantité d’eau utilisée, le financement de l’assainissement est par conséquent comptabilisé au prorata de celle-ci. Certains pensent que ce système est socialement équitable. D’autres pensent au contraire qu’une justice sociale et environnementale nécessite que le prix soit progressif. Que plus on use de l’eau - et par voie de conséquence que l’on en rejette -, plus celle-ci doit être chère au litre. D’autres imaginent même qu’il devrait y avoir un droit d’usage pour les premiers litres utilisés par personne et par jour. Mais le « coût vérité » de l’eau exigé par l’Union européenne, qui suppose que “l’eau paye l’eau” en faisant payer son coût par ses usagers, ne renforcerait-il pas l’idée que cette dernière devienne un bien marchand ?

Inversement, la Région ne devrait-elle pas renforcer son intervention dans le financement de l’eau pour répondre à une exigence de justice sociale, ou même, pour répondre au fait que la gestion de l’eau est dépendante d’autres politiques, comme par exemple celle de l’aménagement du territoire ? En effet, il est temps de réfléchir le rapport économique entre l’eau souterraine et celle de la gestion de l’eau en surface, entre l’économie classique de la gestion des ‘tuyauteries’ et celle induite par des formes nouvelles de gestion, telles que les Nouvelles rivières urbaines. Par exemple, une part non négligeable des inondations étant due à l’imperméabilisation des sols, elles sont davantage du ressort de la politique des transports, de l’aménagement du territoire que de la gestion de l’eau proprement dite. Est-il juste dès lors que le financement de la diminution de ces risques soit comptabilisé dans le seul cadre de la gestion de l’eau ?

Les nouvelles approches de la gestion de l’eau ouvrent la voie à de nouvelles formes d’emplois liés aux divers aménagements que l’approche par des outils décentralisés suppose. Il ne s’agit pas ici des métiers classiques de l’eau, tel l’égouttage et autres métiers de l’assainissement. Il apparaît clairement qu’il manque des métiers de l’eau décentralisés que l’on pourrait retrouver dans les quartiers de la ville. Dans une ville qui compte de nombreux chômeurs, la filière est à exploiter. De manière concomitante, on pourrait imaginer de créer des entreprises d’économie sociale et des coopératives qui répondent à ces nouveaux besoins.

Enfin, le concept de « pollueur – payeur » défendu par l’Union européenne mérite d’être questionné car il s’agit au fond d’un droit à polluer. Nous pourrions nous pencher sur la question des outils économiques en vogue en ce moment. Par exemple, les primes permettent de favoriser les dispositifs techniques les plus adéquats d’un point de vue environnemental, social et économique. Si les primes peuvent orienter les politiques publiques en renforçant l’action des particuliers, ne sont-elles pas également porteuses d’effets pervers ? La prime au placement ou à la réhabilitation de la citerne d’eau individuelle est un cas à étudier. L’eau de pluie, non facturée, ne participe donc pas à son assainissement, elle créerait de l’injustice.

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