Agir en ‘co-production’ - Appel à idées
Les Etats Généraux de l’Eau à Bruxelles sont une manière de questionner la gestion de l’eau en ouvrant ce questionnement le plus largement possible. Par définition, si notre souhait est de renforcer le droit de définir son environnement et donc de ‘produire’ la ville par le biais de la question de l’eau, les EGEB eux-mêmes se doivent d’être le plus possibles co-produits par les gens qui habitent et font la ville.
Ce doit être un projet qui s’étend, s’exporte, s’infiltre, se répand dans les différents tissus de la ville, par capillarité. En fait, comme une eau libre, ce doit être la source d’un mouvement qui ne se cantonne pas aux territoires restreints, mais qui, au contraire, transgresse les frontières de toutes sortes pour créer les conditions de nouvelles émergences et inventions. C’est un idéal, mais aussi une possibilité.
Les EGEB permettent de la sorte de proposer un changement de paradigme dans la gestion de l’eau, sortant du paradigme technico-financier pour accéder à une vision complexe et participative des choses... Contemporains de l’enquête publique sur la gestion de l’eau, ils proposent à ce mouvement et au public en général d’alimenter cette dernière et contribuent à l’élaboration de la norme des politiques publiques en la matière et ce, dans le sens de ce changement de paradigme.
Dès lors, les EGEB sont essentiellement une manière de créer ce mouvement en procédant aussi par un Appel à idées. Ce dernier peut prendre une forme visible et en étant ‘formalisé’ même par voie médiatique. Il peut aussi prendre des formes moins visibles par la multiplication de rencontres informelles afin de susciter la mise en action de partenaires spécifiques.
Rechercher des effets démultiplicateurs
Si l’on veut un projet un tant soit peu ambitieux, qui ne soit pas cosmétique mais qui apporte des changements réels, il faut pouvoir atteindre une masse critique. Ce qui est conforme d’ailleurs à une visée de décentralisation. Il ne faut dès lors pas voir l’apport financier dévolu aux EGEB comme une possibilité de travailler à tous les contenus, mais surtout de le voir comme un levier d’actions qui valorise, met en lien et enfin qui permet des effets multiplicateurs. D’une certaine manière, un euro doit pouvoir en générer dix autres !
Les autres apports, essentiellement en nature, devront être apportés par une multiplicité d’acteurs individuels, associatifs, voire institutionnels. Ce sont des salles de réunions, de colloques ou d’expo qui seront prêtées gratuitement, des contenus et des savoirs échangés sans être monétaires, des mises à disposition de matériel divers, des mises en place d’expo, de débats, etc. Cette position est conforme à la proposition précédente qui suppose que la dimension participative et décentralisée soit importante. Or qu’est ce que la participation si ce n’est une mise à disposition collective de biens et de savoirs divers. Cela n’empêche qu’un complément financier pourra être le bienvenu...
Mais l’effet démultiplicateur ira dans toutes les directions. Chaque organisation entrant dans le processus des EGEB pourra y trouver une manière de rendre encore plus fortement visible son action...
Voir les EGEB comme une œuvre
Il faut donc voir les EGEB comme une œuvre collective, issue de la volonté d’une intelligence collective. A entendre quasiment comme une œuvre d’art. Une œuvre construite de manière précise, avec une narration, un scénario. Sans doute, un début et une fin. Élaborés de manière rigoureuse, si ces EGEB peuvent exacerber les dissensions, ils peuvent contribuer à la recherche de consensus, ils exacerbent des tensions mais les résolvent aussi comme un bon drame.
C’est au cœur même des EGEB donc que doivent se retrouver des modes d’action qui explorent des formes nouvelles, à partir sans doute de situations concrètes. Le cas du Maelbeek et le projet Maelbeek Mon Amour (MMA) est sans doute éclairant.
Le projet MMA propose de signaler, par un chapelet de plaques d’égouts artistiques, le tracé du ruisseau disparu dans ses cinq Communes : Ixelles, Etterbeek, Bruxelles-Ville, Saint-Josse-Ten-Noode et Schaerbeek. MMA n’a pas pour but de faire joli, mais de placer un questionnement dans la ville. L’invitation des habitants, artistes ou associations à participer à la production de ces plaques d’égout artistiques s’accompagne d’une réflexion sur la ville, son développement en rapport à l’eau, sur le rapport qu’elle entretient avec la nature, etc.
Les EGEB sont, intrinsèquement, une recherche de forme non segmentées, faite d’assemblages. Ils sont moins hiérarchisés que formés de multiples plateaux et espaces de libertés, d’expression et de confrontation.
Rechercher une dimension militante
Ce projet est porté par la Société civile. Il possède un caractère transformateur et donc militant. Il se situe en dehors de l’ ”Institution”, dès lors il ne répond pas à une commande de cette dernière, même s’il est soutenu par elle. Autrement dit, toute une réflexion doit avoir lieu sur « qui donne quoi ? ». Une part de l’action restera bénévole et militante donc. Cet apport est celui de l’invention, de la transformation, de la création des conditions du changement. Comme dit précédemment, ce point doit pouvoir faire l’objet d’un développement. C’est aussi se donner le droit de développer une approche critique et déconstructive.
Développer un esprit de recherche
Un texte dit scientifique et stratégique se trouve être aux fondements des intentions des EGEB. Il doit être vu comme une hypothèse pour l’action. Il convient dès lors de travailler à sa validation. Ce travail pouvant - en partie seulement - d’ailleurs rythmer l’ensemble des EGEB. C’est pourquoi, il est utile de proposer la création d’un comité scientifique et/ou de recherche qui permettrait de donner des balises qui aideront l’ensemble de ce mouvement à s’orienter, faire ses choix et développer sa propre stratégie.
Pour amplifier la dimension scientifique et de recherche, on imagine la mise en place d’un colloque public initial qui lancerait les EGEB eux mêmes. Pour ne pas enfermer le comité scientifique dans une démarche techno – scientifique, il est important de veiller au dialogue avec d’autres approches, artistiques et culturelles. Le comité de recherche devra avoir comme objectif d’alimenter un laboratoire de participation. En ce sens, il devra mettre à disposition ses savoirs et connaissances tant en terme de contenu qu’en terme de transmission des savoirs. Cette mise à disposition se fera par des colloques, tables rondes, expositions, etc.
Développer une approche multi- et trans-disciplinaire (experte et citoyenne)
Le changement de paradigme dans la gestion de l’eau suppose une approche où le logos, l’esthétique retrouvent une place et ne laissent pas à la seule techné la recherche des solutions. Le travail sur la symbolique, l’imaginaire qui ouvre des horizons nouveaux est donc essentiel.
Il y aurait lieu de travailler à valoriser des approches multiples donc artistiques, culturelles, etc., non seulement en termes de forme, afin de travailler à des assemblages humains nouveaux qui transcendent les segments et frontières, comme vu plus haut, mais aussi en termes de contenu.
Tout l’art ici étant de sortir du “quant à soi”. Y a-t-il des films, des documentaires, une littérature, de la poésie, des images, des tableaux, etc. sur la question de l’eau dans tous ses états...? Un travail de recherche sur ces différents médias serait donc à faire. Il y aurait peut être même lieu de créer un groupe de travail à ce sujet... Irions-nous vers des productions propres ? Ce qui serait tentant. Mais nos budgets malheureusement ne permettront sans doute pas d’être de grands ‘producteurs’. D’où la nécessite de rechercher des financements complémentaires, probablement en matière culturelle et d’éducation permanente, mais aussi de politique des grandes villes par exemple...
Rechercher la diversité, la multiplicité des regards
Bruxelles est une ville cosmopolite, faut-il encore le souligner ! Il s’agira dès lors d’aller à la recherche de cette diversité à partir de notre thématique située en position d’Elément Tiers. Aucune culture, aucun individu n’a ‘rien à dire’ sur l’Elément eau. Allons dès lors à la recherche de ces regards diversifiés et amenons les à dialoguer, à enrichir de leur présence l’espace public. L’eau est un beau médium pour amener le plus grand nombre à participer, à comprendre que l’on peut agir sur la réalité, pourvu que l’on aille à la recherche de la diversité des regards...