Bruxelles Sensible à l’eau (BrusSEAu) Synthèse

BrusSEau, pour Bruxelles sensible à l’eau, se fonde sur un constat hydrologique et social : la récurrence et l’importance des inondations, sont essentiellement liée à la forte imperméabilisation des sols et au débordement du réseau d’égout unitaire lors des forte pluies. Elles affectent en premier lieu les quartiers situés dans les fonds de vallées (comme à Forest dans la vallée de la Senne et à Jette dans la vallée du Molenbeek) en grande partie habités par des populations déjà précaires.

Un système non résilient

Ces inondations sont essentiellement liées à la saturation, lors des événements orageux, du réseau d’égouts unitaires par les eaux de ruissellement. Fruit d’une histoire longue de 150 ans, tache aveugle du système hydro­technique, l’eau de pluie traitée comme un déchet, est gérée dans de larges infrastructures techniques ensevelies, gérées par un cercle restreint d’experts hyper­qualifiés : l’eau est un élément purement technique. Ces ouvrages n’offrent cependant aucune réponse aux causes du problème. Loin d’être résilient, le système hydrotechnique actuel et sa gestion constituent une impasse.

Le fait que la gestion de l’eau ne tienne pas compte du territoire et que la gestion du territoire ne tienne que peu compte de l’eau de pluie ne permet pas à ce territoire d’être résilient face aux événements orageux de forte intensité, entre autre. Or ce système hydrologique trop fermé sur lui­-même devra affronter les contraintes que sont l’imperméabilisation continue des sols, le réchauffement climatique avec ses risques d’épisodes orageux en augmentation et enfin, un accroissement de la densité de population liée à l’accroissement de la démographie.

Du technique au politique

Notre question principale est de cet ordre : comment faire, en matière de gestion de l’eau, d’un problème technique confiné à un cercle restreint d’experts, un problème politique (au sens de polis) impliquant un collectif élargi ? Notre hypothèse fondamentale est qu’il y a une relation d’interdépendance entre la décentralisation des technologies de l’eau et la décentralisation de la gestion de cette dernière. Or, il est possible de gérer l’eau sur bases de mesures, dites à la source, décentralisées sur le territoire de l’ensemble d’un bassin­ versant, se fondant sur des technologies de basse intensité (low technology), appropriables par les habitants.

Il s’agit, dès lors de se demander ce que requiert l’élaboration collective de nouvelles trajectoires pour les eaux de pluie, hors du réseau d’assainissement. Il faudra aussi se demander dans quelle mesure une telle approche apporte une plus­-value par rapport aux solutions et modes de gestion conventionnels ? Et si d’aventure, ces mesures décentralisées gérées collectivement offrent des avantages, pourra-t­-on les instituer ? Mais pour répondre à cela, il nous manque nombre de connaissances : les dispositifs décentralisés pour la prise en charge des eaux pluviales, adaptés aux spécificités (géomorphologique, hydrotechnique, politico-­institutionnelle, socio­ économique) des territoires, prenant en compte et tirant parti de l’expertise citoyenne sont inexistants à Bruxelles.

Les Communautés Hydrologiques et dispositifs hydro-techniques

Pour tenter de répondre à ces questions, nous proposons, avec des habitants d’élaborer de tels dispositifs en co-­créant des Communautés hydrologiques (living labs), localisées en amont et en aval d’un versant de la vallée de la Senne à Forest et de part et d’autre de la vallée du Molenbeek à Jette. Ces CH feront leurs expérimentations à partir de trois dispositifs hydr-socio­-techniques aux designs participatifs :
- L’implantation dans l’espace public et privé d’outils de mesure des flux hydrologiques, leur appropriation par les habitants et par là, leur implication dans un diagnostic scientifique (WaterCitySens)
- Le développement de cycles d’ateliers dans des intérieurs d’îlots où habitants et étudiants en architecture penseront ensemble des dispositifs visant une gestion plus durables, en termes hydrologiques, des îlots urbains (îlots d’eau)
- La conception de Nouvelles Rivières Urbaines, partant d’ateliers de cartographie collaborative pour aboutir à des propositions valides et réalisables (NRU) en terme de gestion de l’eau à la source.

Ces dispositifs déjà peu courants isoléments et tout à fait inédits ensemble, permettront, grâce à la collaboration étroite entre les partenaires du projet et les habitants, de développer de nouvelles connaissances (hydrologique, historique, technique, etc.) fines et territorialisées, ainsi que de faire la démonstration de l’effectivités des dispositifs décentralisés et participatifs pour la gestion des eaux pluviales. Ce faisant, BrusSEau explorera le potentiel économique de ces dispositifs (valorisation des eaux pluviale, création de nouveaux emplois liés à leurs gestion) et éprouvera le système hydro­technique de la Région à pouvoir les accueillir ; favorisera la solidarité entre les habitants et soutiendra le développement des compétences et de l’expertise citoyenne. Mais aussi, BrusSeau encouragera l’émergence d’une nouvelle politique de l’eau plus durable, résiliente et participative et surtout plus sensible à l’eau.