En ce qui nous concerne, nous n’avons pas attendu le discours d’un premier ministre pour percevoir cette inquiétude émergente qui se fait dans la population. Depuis quelques semaines, les demandes que nous recevons quotidiennement se multiplient et en sont un fort témoignage. C’est par exemple, une étudiante en journalisme qui nous le demande, "pourrait-on vivre un épisode à Bruxelles aussi dramatique que celui qui a été vécu en Wallonie ?". Ou encore des gens du fond d’une vallée bruxelloise qui questionnent "mais comment se fait-il que malgré le bassin d’orage nous soyons encore victimes d’inondations". Et d’autres de nous affirmer : "Le fait de demander ce permis d’urbanisme pour le Bassin d’orage Ten Reuken, n’est-il pas le signe de l’abandon du programme de Gestion intégrée de l’eau de pluie à Bruxelles ?" ou encore, "Je pensais qu’il y avait un moratoire jusqu’en 2025 sur les bassins d’orage ! ».
Certes, toutes ces questions ne s’emboîtent pas parfaitement et peuvent même apparaître comme contradictoires, mais elles sont toutes le signe d’un concernement, d’une volonté de comprendre et in fine, surtout, d’agir. Ces temps de crises sont aussi des temps de reprise en main. Et c’est sur ce point sans doute que les EGEB ont le plus à faire : comment redonner une certaine puissance d’action à ceux qui sont inquiets et ne voient pas par quel bout prendre les choses pour sortir de l’alternative infernale. Car le temps est celui surtout de la crise de confiance... Perte de confiance dans le politique - tous les sondages le confirment -, perte de confiance dans l’expertise technique surdéterminée par la finance. Comment dès lors, faire de cette affaire du climat et de l’eau une affaire commune ? Une affaire où chacun peut se sentir concerné ?
La GIEP, déjà un bonne approche
Le concept de Gestion intégrée de l’eau de pluie (GIEP) est un nouveau concept en RBC, il est utilisé par le gouvernement régional dans sa déclaration de politique commune. Nous y souscrivons. Il part de cette idée ancienne pour nous (les EGEB) que l’eau de pluie n’est pas un élément jetable qui doit être envoyé aux égouts - pour être dès lors inutilement épuré - mais un élément dont les cycles restitués en ville sont porteurs de vie. Il s’agit donc bien de faire de l’eau de pluie un élément intégré au paysage urbain, qui est nécessairement... commun.
Le réchauffement climatique ne fait qu’exacerber cette problématique de l’eau en augmentant encore les épisodes extrêmes (très grande chaleur, sécheresse, inondations). Disons surtout que ces problématiques ont un fond commun car elles ne tiennent que peu compte des cycles écologiques de l’eau, de la terre, et du vivant, tous interconnectés : l’eau étant aux bassins versants ce que le climat est à la planète entière. C’est par la restitution de manière concomitante de ces cycles intriqués que nous les humains qui avons rompu ces derniers pourrons opérer une transition réelle. On ne peut penser les uns sans les autres.
L’intégration de l’eau dans le paysage va de pair avec l’intégration du citoyen dans la définition de son environnement
C’est pourquoi nous voulons aller plus loin. Si on perçoit bien que la GIEP est une avancée notable dans le gestion de l’eau, prise sur un aspect purement institutionnel et technique, elle sera insuffisante, voire incapable de répondre aux crises et exigences de notre temps qui sont autant - on l’aura compris - une crise des "gouvernances". Nous insistons : ces questions environnementales sont des questions d’affaires communes, quasi de culture et d’intelligence collective. Nous employons avec d’autres dans de multiples champs de recherche - énergie, agriculture, végétalisation, déchets, etc. - le terme de co-création car ce sont toujours des dynamiques technico-socio-environnementales qui sont en jeu, nécessitant l’assemblage des disciplines et de postures.
Cette approche co-créative expérimentale est donc la nôtre - pour beaucoup grâce au soutien d’Innoviris - formant l’une des expérimentations parmi les plus avancées en Europe avec les projets Brusseau, peut-être Brusseau Bis ou SmartWater. Brusseau va bientôt présenter ses recommandations au Parlement Bruxellois. Nous avons été interpellés avec Brusseau encore par des chercheurs issus de villes comme Amsterdam, Barcelone ou Malmö et autres pour rentrer un projet européen de recherche sur le type de dispositifs technico-socio-envionnementaux en réseau qui se mettent en place (on en reparlera), etc. Mais au-delà des projets soutenus par Innoviris, partout où nous nous impliquons avec les habitants, usagers et institutions de cette ville, nous tentons avec les EGEB de recréer d’improbables combinaisons, de nouveaux designs comme le dirons les permaculteur.ricess et de nouveaux assemblages.
La ville ne se pensera pas sans ses habitants et ses usagers. Une GIEP co-créative est peut-être l’une des multiples approches qui pourrait permettre à nos contemporains de recouvrer une capacité à agir. Si nous ne sommes pas capables de transmettre aux générations futures une planète en bon état, au moins transmettons leurs des potentiels et des pratiques qui ouvrent de nouveaux possibles, déjà ici, dans nos vallées. L’intégration de l’eau dans le paysage va de pair avec l’intégration du citoyen dans la définition de son environnement.