L’intensité de la question : "Where does the rain go ?" Editorial

, par Dominique Nalpas

Récemment, le 6 mars, Canal-it Up organisait une rencontre dans les locaux de Bruxelles Environnement qui a bénéficié d’une affluence considérable d’un public de professionnels sans doute mais souvent encore jeune. C’est dire l’intérêt de la question : “Where does the rain go ?”. Où va l’eau de pluie ?

Le problème posé pour Canal-it Up est celui de la qualité des eaux. Que fait-on dans chacune de ces villes pour remédier au problème des surverses, c’est-à-dire, ces eaux de ruissellements mélangées aux égouts (du fait du tout à l’égout) qui, lors de certaines pluies plus importantes, sont rejetées vers les exutoires naturels, tels que rivières ou fleuves et donc qui polluent ces derniers. Ce problème est aussi crucial à Bruxelles où très régulièrement, même lors de pluies pas si intenses, des eaux mélangées (et donc polluées) sont renvoyées avec force vers le Canal, la Senne ou la Woluwe. Trois villes étrangères étaient invitées à exposer leurs pratiques en la matière, Londres, Copenhague et Paris. Trois exemples parfaitement opposés les uns aux autres, trois sortes d’idéal-types aux caractéristiques tranchées et contradictoires.

Londres

Londres offre une réponse “du toujours plus de la même chose”. Pour se défendre face aux surverses - nous ferons très schématique dans cet article court - la ville à décidé de construire un “super sewer”, un super égout, un tunnel long de 25 km (il en est d’autres et d’environ 7 mètres de diamètre. “On peut mettre cinq bus à impérial” de face… Super. Une énormité qui ne fait que de continuer d’agrandir le système d’égouttage. De la Gestion intégrée de l’eau de pluie (GIEP) ? il n’en n’est pas question dans la présentation anglaise. L’ensemble est financé en grande partie par du privé, ce qui suppose que du bénéfice financier pourra être fait sur ce dispositif.

Copenhague

Copenhague opte pour une proposition radicalement opposée. “Infiltrons l’eau où on le peut, prenons de la place et verdurisons le plus possible partout”. Le résultat urbanistique est saisissant, c’est une GIEP au cube avec un questionnement social pour la qualité de vie des plus pauvres pris en compte. Il faut dire aussi que Copenhague est la ville où la mobilité cycliste est la plus développée en Europe (cela va ensemble). Pour y arriver cela demande des moyens, certes, du temps, mais surtout des collaborations entre les différents acteurs de l’aménagement du territoire. Ce qui semble en soi une belle complexité ! On connaît cela aussi à Bruxelles.

Paris

Paris,“capitale de la modernité” du 19e S., se fixe comme objectif la baignade pour le Jeux Olympiques de 2024. On ne touche pas trop au réseau d’égouttage pas si mal dimensionné déjà dans sa conception haussmanienne. Après avoir automatisé le système de la circulation des égouts, il leur suffirait de créer un bassin d’orage supplémentaire de 50 000 m3. Ils ont bien quelques idées de GIEP aussi, mais loin des ambitions de la capitale du Danemark. La chose est comme il se doit menée par un Etat qui définit à partir du plus haut niveau, les objectifs et des moyens bien centralisés.

Bruxelles

Voilà donc trois exemples types dont la présentation juxtaposée révèle les contrastes inouïs. Et Bruxelles ? Sur ce point, ce symposium était une réussite. Bruxelles s’est présentée aussi dans sa tri-partite habituelle des opérateurs de l’eau que sont Bruxelles Environnement, Hydria et Vivaqua. Un peu de tout. Une pincée de GIEP, très peu mise en valeur ce jour-là, l’idée de bassins d’orages dynamiques (excellente idée au demeurant) qui se mettent en action même pour des pluies de relativement faibles intensités. Et des vannes de surverses contrôlables.

Quatre villes… et le politique ?

Mais quel dommage que cette juxtaposition n’ait pas amené plus de de dialogue et de débat, comme si ces trois modèles pouvaient être égalité, comme s’il n’engageainet pas des manière de voir le monde et des valeurs différentes ? Le parent pauvre, en tout cas à Bruxelles aura été la GIEP qui n’a eu droit qu’à une ou deux minutes de présentation et encore moins celle que nous prônons, une GIEP participative et co-créative. De quoi cela augure-t-il ? Alors même que la Gestion intégrée de l’eau de pluie a été inscrite dans les accords de majorité de cette mandature, l’impression est que l’heure de la transition ne soit pas encore vraiment à l’ordre du jour et qu’entre les trois modèles présentés par les villes précédentes, le coeur balance, toujours plutôt du côté du tuyau. On aura l’occasion d’en reparler.