Assemblée locale pour une écologie de l’eau de pluie à Jette Décembre 2023 Longue recension

En décembre 2023, nous organisions dans le cadre du projet expérimental Brusseau Bis, la deuxième assemblée locale sur le territoire des Voisins du parc Roi Baudouin à Jette.
Cette assemblée a été mise en place par nombre d’acteurs de Brusseau Bis et coordonnée par la commune de Jette et les EGEB. Nous n’avons que peu parlé du processus expérimental de Brusseau Bis dans les pages de notre site, l’ensemble de l’expérimentation étant très située territorialement n’avait pas vocation à être constamment rendue publique. Mais cet exercice-ci a eu pour mérite sans doute de poser une clé de voûte sur l’assemblage d’outils/actions dont on voulait faire la démonstration de l’intérêt. En voici donc une recension succincte.

BrusseauBis a pour objectif de définir les conditions de possibilité d’une extension ou de reproduction de processus pour une gestion intégrée de l’eau de pluie GIEP (prise dans un sens large) et de manière cocréative en RBC. Pour ce faire, cette plateforme propose de créer des outils utiles à ces formes de co-production. L’Assemblée locale en est l’un d’eux. Nous parlerons des autres ultérieurement.

Des intentions

L’Assemblée locale qui réunit des acteurs et actrices ainsi que d’autres personne concernées - et ce après quelques mois d’exercices sur d’autres niveaux d’action de cette gestion écologique de l’eau de pluie -, a pour objectif de créer les conditions d’une mise à niveau collective, un inter-connaissandce de la multiplicité des actions, de l mise en valeur de questions ou problématiques essentielles sur un terrain d’action, localisé ici autour du parc Roi Baudouin et en créant ces relations entre toutes et tous, d’évaluer le potentiel de vision et de dessein commun.

Ainsi, ont été invités à s’exprimer tant des acteurs privés ayant fait des transformations dans leurs jardins que des acteurs publics sur les voiries ou parcs ainsi que des experts techniques, tels que des hydrologues et autres paysagistes, etc. Nous ne ferons pas une recension complète de l’ensemble des propos ici. Cela dépasse la volonté et les possibilités de cet article, cependant l’ensemble des présentations de l’assemblée de Jette sont accessibles.

De quelques acteurs privés

Sébastien [1] nous a parlé de la transformation de son jardin (avec le soutien de BrusseauBis), de ce que cela a pu apporter comme satisfaction entre la perception d’une qualité paysagère renouvelée et le sentiment de contribuer solidairement à des enjeux plus larges tels que la réduction des inondations plus bas dans la vallée. Il a pu évoquer son expérience en tant que personne ressource pour soutenir des voisins proches dans leurs projets de transformation de jardins également aidé en cela par différents document de communication qui devraient permettre une autonomisation accrue des particuliers dans la transformation de leurs espaces privés, mais néanmoins interdépendants (nous en reparlerons dans les semaines à venir).

Yves [2] a fait part des projets et difficultés du potager du Coin de Terre situé dans le bois de Dieleghem et notamment en lien avec les épisodes de sécheresse. Ce potager comme de nombreux autres en RBC souffre de plus en plus du manque d’eau durant les mois d’été. C’est ainsi que s’élabore un projet avec un potentiel de récupération de l’eau de pluie dans l’école voisine afin d’augmenter la capacité d’irrigation, mais aussi de retenir les eaux excédentaires ou de les rejeter vers le parc voisin…

De l’acteur communal

Bernard [3] représentant la Commune de Jette, à fait connaître les riches projets réalisés dans différentes voiries en gestion communale. On pense aux noues du bout de la chaussée de Wemmel jouxtant le Parc Roi Baudouin et de l’avenue Moyens ou encore au réaménagement de ce rond point en jardin de pluie au bout de la rue Liebrecht qui offrent, outre des potentiels d’infiltration et de végétalisation, de réelles qualités esthétiques et paysagères. La commune possède dans ses cartons d’autres projets de cette sorte et contribue largement à un programme d’action en termes de gestion de l’eau de pluie. Nous ne connaissons pas à ce stade la quantité d’eau de pluie gérée par ses infrastructures et n’allant pas vers les égouts, mais elles sont déjà conséquentes et feront l’objet de calculs futurs.

En outre, Bernard a pu parler des primes communales aux particuliers, assez innovantes dans leur tentative de simplification des procédures tant pour faciliter leur appropriation par les usagers que pour réduire la quantité de travail pour les administrations en charge. Ces primes de 200 à 400 € le m3 d’eau géré en solution écologique sont équivalentes à environ 10% du coût du m3 d’eau géré pour réduire les inondations via la solution technique du bassin d’orage. Cette prime lancée il y a peu n’est pas encore très usitée, mais elle doit faire l’objet de communications futures.

Des opérateurs de l’eau

Patrick [4] nous parle de ce parc Roi Baudouin, au centre de notre espace d’interaction, où Bruxelles environnement qui en est gestionnaire a mis à l’étude une réhabilitation du Kloosterbeek. Ce ruisseau qui prend sa source en amont dans le bois de Dieleghem et qui rejoint le Molenbeek en traversant le parc roi Baudouin de haut en bas pourrait gérer 6000 m3 d’eau de pluie environ avec du fait d’aménagements divers de ces berges, de fossés secs et zones de débordement, de jardins d’orage, etc. Les parcelles voisines du parc pourraient y envoyer leurs eaux excédentaires (pour ceux qui n’auraient pas les capacités d’infiltration et de rétention suffisantes) lors des très grosses pluies dans les temps à venir. Mais comme Patrick le dit, c’est un peu comme la poule et l’œuf, qui doit commencer le travail de transition ? Les voisins du parc ou le parc lui-même ? Les deux, bien évidemment, d’où une part du sens de cette assemblée.

Patrick nous annonce, en outre et avec un certain enthousiasme, que Vivaqua a sans doute trouvé une solution idéale pour renvoyer les eaux du ruisseau du Molenbeek vers la Senne, alors qu’aujourd’hui ces eaux se jettent dans le collecteur au niveau aval du Parc Roi Baudouin pour rejoindre la station d’épuration Nord. On ne peut aisément décrire ici la solution préconisée, mais il s’agit d’un artifice technique (une sorte conduit) qui serait placé au sein même du collecteur sur une longueur d’1km800, ce qui permet de séparer les eaux claires du Molenbeek des eaux d’égout. Une étude de faisabilité financière est en route. Si cette dernière s’avérait positive, les eaux claires qui seraient si patiemment sorties des égouts en amont et autour de ce parc Roi Baudouin, pourraient retrouver les eaux de la Senne sans polluer ce dernier. Ces eaux de pluie sorties du système d’égouttage n’auraient pas à être assainies, ce qui réduirait également les coûts.

Du paysage de la vallée

Odile [5], tout en intégrant les questions de l’eau, nous parle plus globalement de ce que l’ensemble des projets des voisins du parc et du parc lui-même - avec une analyse plus resserrée sur des jardins particuliers ou des écoles voisines intéressées à désimperméabiliser leurs cours à proximité de la zone Natura 2000 du parc Roi Baudouin - peut donner en termes d’évolution du paysage. Cette vision paysagère intègre une multiplicité des usages possibles de la zone, mais aussi fait intervenir tout un ensemble d’êtres vivants non humains tels que les plantes et les animaux avec qui il nous faut aujourd’hui cohabiter dans nos vallées.

Cette approche aux dimensions sensible et esthétique (et pas seulement technique ou scientifique) de la paysagiste enrichit largement la compréhension de l’ensemble de ce qui se joue. Ce sont des espaces communs qui s’élaborent et permettent de saisir un sens de l’ensemble, une instauration collective nécessitant l’apport créatif de tous et de toutes. Se joue à cet endroit une sorte d’inversion, ce n’est pas seulement l’eau de pluie qui est à intégrer au territoire, c’est le paysage devenant espace commun qui intègre l’eau dans un ensemble animé et vivant, un processus traduisant le nécessaire et l’impératif (réduire les inondations) en désirabilité (le paysage vivant).

Du futur bassin d’orage (ou non)

StéfanoStefano [6], enfin, à la suite des présentations précédentes et un peu de patience - nous avons pris du retard -, vient nous parler de l’étude Hydraulique du bassin d’orage du Molenbeek commanditée par Hydria. Il s’agit de proposer des scénarios de modélisation de la solution par la technique du bassin d’orage en fonction des capacités à développer ensemble à l’échelle du bassin versant du Molenbeek une gestion intégrée ou écologique de l’eau de pluie. Pour faire simple, plus nous - tous ensemble - pourrons instaurer un paysage intégrant une gestion de l’eau de pluie dans un bassin versant solidaire, moins le bassin d’orage devra être volumineux, moins son coût sera élevé pour le contribuable - un autre tous ensemble à l’échelle de la région. Cette étude met en jeu donc à l’échelle du bassin versant une mise en correspondance et un dialogue singulier et intéressant - une première à Bruxelles - entre des potentiels de cheminements de l’eau, plus techniciste d’un côté, plus paysager de l’autre.

De ce que l’on apprend

De présentation en présentations, de courts moments de questions / réponses avec le public se seront égrenés permettant des éclaircissements. Ce qui semble apparaître au vu de l’évolution de la soirée, c’est une compréhension d’un enchevêtrement de plus en plus complexe de l’ensemble des enjeux. Le public devient de moins en moins “polémique”, avec des remarques frontales (notamment vis-à-vis du pouvoir communal) pour, semble-t-il, être saisi par la cette complexité de l’interdépendances de toutes ces actions à des échelles des plus restreintes à la plus globale. Certaines personnes témoignent ouvertement de leur prise de conscience de cette complexité et du rôle d’influence mutuelle que chacun peut prendre dans cette affaire.

Il apparaît clair aussi que la solution de la gestion intégrée, écologique et paysagère de l’eau de pluie apporte de nombreux bienfaits, mais aussi serait moins chère que la solution purement technique du bassin d’orage. Et même mieux, cette gestion écologique de l’eau de pluie serait bénéficiaire. Plus elle se met en place, plus dans un feed back positif, elle peut générer de nouveaux projets de gestion intégrée de l’eau de pluie. Nousn’en sommes toujours qu’à la phase de démarrage.

De l’assemblée elle-même

Enfin, nous terminerons en disant que l’apport de cette assemblée et donc de Brusseau Bis pourra servir les intérêts de l’étude hydraulique. Une continuation de l’action de la gestion intégrée de l’eau de pluie pourra se faire dans ce cadre. Pour autant - et c’est là la part sommitale de l’affaire - que l’on donne du temps au temps (passer de 5 ans de d’étude d’évolution urbanistique à un scénario à 10 ans d’évolution paysagère) et de permettre de financer plus fortement la gestion intégrée et écologique de l’eau de pluie. Les EGEB pensent qu’il faut créer un plaidoyer à cet égard, un mémorandum à remettre dans cette période pré-électorale (environ du mois de mars).

Au total, l’assemblée locale serait un dispositif, qui face à des situations aux problèmes/projets concrets et toujours complexes, permet d’examiner comment l’assemblage des expériences des différents acteurs impliqués - à quelques niveaux où ils se situent, privés, publics, experts, hybrides - contribue à renforcer ces derniers dans leurs capacités d’action et d’influences mutuelles au service de certains enjeux et intérêts communs clairement identifiés. Pour le dire autrement elle permet de rendre visible et concret le mouvement d’ensemble des acteurs considérés - qui sans cela ne se sauraient pas existants -, où chacune et chacun peut apporter une contribution à la définition d’un dessein commun, d’instaurer in fine un paysage (social, environnemental, hydrologique) telle, peut-être, une oeuvre commune toujours en devenir.

Notes

[1Habitant, voisins du parc très impliqué dans les projets de gestion de l’eau et du paysage (collabore avec Brusseau Bis)

[2Yves Van Parys, coordinateur du réseau des jardins potagers du Coin de terre

[3Bernard Van Nuffel, 1er échevin de la commune de Jette (partenaire Brusseau Bis)

[4Patrick Panneels, écologue, fondateur du bureau d’étude Ecotechnic (partenaire de BrusseauBis

[5Odile Zaït, paysagiste, travaille aux EGEB

[6Gariglio, travaille pour le bureau sur d’étude CityTools partenaire de la plate-forme de l’étude Hydraulique pour la vallée du Molenbeek avec Arcadis et Taktyk