Chronique #0 - De l’interpellation communale à la co-production des solutions pour réduire les risques d’inondation dans la vallée Les chroniques de la rue Gray pour rendre la ville moins inégale

Nous le signalions déjà mi-juillet, les grosses pluies annonçaient la nécessité de travailler à une véritable solidarité de bassin versant. Le dérèglement climatique appelle à une météo sociale plus clémente en apportant un meilleur soin aux personnes vivant dans le fond de la vallée. Depuis plus de deux ans, nous ne cessons de répéter la nécessité d’agir en soutien de ces dernières sur la base de formes de collaboration variées impliquant habitant-es de la vallée, pouvoirs publics et expert-es. Nous vous proposons de suivre régulièrement l’incroyable saga de la rue Gray et de la vallée du Maelbeek avec une série de chroniques qui suivront les fils de l’action pour aller vers plus de co-production, afin de tenter de sortir de l’ornière et ce avec l’appui de la Plateforme Délier les fils de l’eau et de la recherche-action européenne Fairville, des pouvoirs publics communaux et régionaux et bien entendu et surtout, avec les plus concerné-es : les habitantes et habitants de ce bout de territoire.

Il est vrai que les habitant-es ne s’en sont pas laissé-es compter. Deux ans au préalable, iels avaient déjà fait appel, avec le soutien de Délier les fils de l’eau, à la possibilité de réaliser un co-diagnostic de leur problème en écrivant un courrier aux opérateurs de l’eau.

L’interpellation du Conseil communal d’Ixelles

L’approche citoyenne / institution

Mais sans réponse de la part de ces derniers, ils se tournent dès lors vers la commune - un pouvoir que l’on dit proche du citoyen - en menant une interpellation citoyenne du Conseil communal, ce qui entre dans les règles communales mais surtout souhaite créer une alliance sur la base toutefois d’un rapport de force comme le disent certains habitant-es. Alliance ? La commune possède également de nombreux logements inoccupés du fait des inondations. Rapport de force ? Le fait d’être en nombre pour faire la demande d’alliance/reconnaissance du problème.

Cette interpellation menée par les habitant-es de la rue préparée avec soin avec le soutien de Délier les fils de l’eau a recueilli plus de 40 signatures. L’interpellation citoyenne proprement dite a eu lieu lors du Conseil communal du 28 avril dernier (vidéo) et a recueilli une très bonne écoute de la part des autorités locales. Tous les partis représentés au Conseil ont eu l’occasion de répondre ainsi que le Collège et il se dégage clairement une forme de soutien généralisé face à une demande reconnue par tout-es comme clairement exprimée, légitime et bien comprise.

C’est le 9 septembre que la commune a proposé une nouvelle rencontre aux habitant-es pour expliciter sa position (qui a fait l’objet d’une recension par Délierles fils de l’eau) rendue, disons, délicate vu l’approche des élections. L’équipe en place ne pouvant prendre des engagements fermes pour une mandature qui se termine (on le comprend). Clairement, toutefois, une relation semble s’enclencher, ce qui est donc nouveau en soi, une bonne nouvelle et qui indique que la stratégie du rapport de force/alliance a du bon. L’histoire de l’interpellation et de ses conséquences formera un des fils de chroniques en tentant d’amener à comprendre ce qui amène à une co-production. Mais nous n’y sommes pas encore.

L’opportunité des grosses pluies de l’été pour faire bouger les Opérateurs.

L’approche technique et hydraulique

Cette écoute très attentive de la part de la commune - et peut-être des opérateurs de l’eau - n’est peut-être pas tout à fait indépendante des phénomènes climatiques de l’été dernier. A quatre reprises, les pluies abondantes de juillet et août ont créé des inondations, ce qui pour les habitant-es du fond de la vallée est devenu une situation intenable.

Un formulaire de recueil des témoignages et photos a été co-produit entre EGEB et habitant-es en s’inspirant d’un dispositif similaire et qui avait fait l’objet de la recherche FloodCitiSense il y a quelques années (et auquel les EGEB avaient coontribué), mais qui malheureusement n’a pas abouti. Ce sont 45 témoignages par près de 25 personnes différentes qui permettent d’attester de ces quatre pluies qui ont provoqué des inondations. Ces informations ont été transmises à la commune et aux Opérateurs de l’eau...

Notre formulaire construit de manière très artisanale et rapide pour répondre aux besoins immédiats de la première grosse pluie du 9 juillet sur un googleform s’est vu dépassé par l’arrivée de trois autres pluies “inondantes” en quelques semaines. L’importance de ce formulaire de recueil d’information en ligne est certes de recueillir des témoignages, mais aussi d’apporter des informations les plus précises possibles - telles des données - aux experts et hydrologues qui étudieront la question des inondations et les manières de les réduire.

Apportant ces informations, les habitant-es deviennent partenaires de ce que l’on peut appeler un co-diagnostic en gestation dont les modalités d’échange, de transparence, etc. doivent encore être discutées. Avec le fait que le dispositif de recueil d’information doit être complètement repensé pour être plus robuste, plus précis, voire plus ouvert, c’est un solide deuxième fil de chronique substantiel à suivre. Cet outil co-produit par les habitant-es pourra-t-il s’ouvrir à ceux de la Région qui vivent aussi des inondation dans d’autres sous-bassins versants et devenir un outil géré en commun ? Certains y pensent.

Dépasser le seul fond de vallée pour agir sur les pentes

L’approche spatiale et solidaire

Sur le champ spatial, un fil d’action se met en place cet automne en travaillant sur les pentes de la vallée. L’idée en effet est d’y réduire les ruissellements par l’infiltration et l’évaporation, etc. C’est-à-dire par la mise en place sur l’ensemble de la vallée des dispositifs décentralisés qui peuvent faire l’objet d’un co-diagnostic avec les habitant-es là aussi. On ne le développera pas plus, mais ce fil d’action de co-production paraît prometteur et permettrait de déboucher sur ce que nous appelons la solidarité de bassin versant ou de vallée.

Avec des étudiants de l’U Nanterre (GEDELO) qui viennent donner un coup de main, on cherchera à mieux comprendre la sensibilité des habitant-es à donner une plus grande place à l’eau dans la vallée et aussi à cartographier les lieux des dispositifs décentralisés qui permettent de réduire les flux d’eau qui inondent. Nous sommes partis, là, sur une aventure de long terme qui défrayera assurément la chronique à plusieurs égards. Il faudra également trouver des alliances avec Bruxelles environnement. Peut-on imaginer en effet que certains des dispositifs imaginés puissent entrer dans le programme de l’Action climat régional, si la nouvelle majorité venait à le reconduire bien sûr. A suivre régulièrement.

Ne pas oublier ce qui est invisible

L’approche sociale, du logement à la santé

Enfin, différentes actions vont se mener autour de questions sociales. Par exemple, concernant la santé en rapport aux inondations, un petit groupe formé en premier par des habitant-es accompagné d’acteurs de Délier les fils de l’eau se met en place. Cette question apparaît à plusieurs niveaux. Lors des inondations elles et lorsque l’eau se retire, les boues nauséabondes peuvent elles produire des problèmes de santé ? Comment dès lors les nettoyer ? Quelles précautions prendre ? Mais il y a aussi les problèmes liés à l’humidité qui reste après la pluie et du fait des remontées de nappe. Les champignons dans les murs, etc. Quels impacts sur la santé. Qui peut y aider ?

La question du logement se pose de multiples manières. Qui habite dans les caves ? Qui souffre des inondations. Qui faudrait-il reloger ? Sommes nous assez inclusifs ? Arrivons-nous à toucher tous les publics, à faire entendre toutes les voix ? Comment fonctionnent les assurances ?

Impossible de poser toutes les questions à cet égard ici. Vous pouvez imaginer nombre de déclinaisons à cette "question sociale". Tant des groupes de travail réunissant habitant-es et professionnel-les sont en train de se mettre en place avec Délier les fils de l’eau que des interviews plus sociologiques de chercheurs s’élaborent avec Fairville.

Les enjeux de l’action autant que de la recherche sont en nombre. Au total nous tenterons d’informer les publics par des chroniques régulières de l’avancement de ces actions et recherches sur les différentes approches afin de permettre de voir au travers le trajet qu’elles produisent dans le temps, la manière dont les fils et le tissage de la co-production se met en place… ou pas.