Voici la position de Brusseau sur le BO Tenreuken qui reprend celle que nous avions déjà pu exprimer une première fois en novembre 2021 mais en l’étayant un peu plus : nous trouvons dommage que dans une période de transition vers de nouvelles formes de gestion de l’eau et du paysage - tel que les politiques publiques annoncent qu’elles s’engagent à le faire (si l’on en croit le gouvernement régional) -, la situation particulière du haut de la Woluwe à Boitsfort ne crée pas plus un désir d’engagement vers cette transition et n’en fasse pas un apprentissage sérieux vers ces nouvelles formes de gestion.
Notre approche est simple, le fond de vallée humide à Boitsfort, avec son chapelet d’étangs et sa rivière aux berges de plus en plus naturelles, forment autant de lieux propices à la rétention de l’eau. Surtout Boitsfort qui forme l’essentiel des pentes du bassin versant de la zone est une des communes les plus vertes de Bruxelles et son sous-sol est propice à l’infiltration. Le potentiel y est extraordinaire et ne pas faire cette transition à cet endroit, ce serait la faire nulle part en RBC !
Par ailleurs, des collectifs d’habitants se mettent en mouvement afin de commencer à mieux connaître le potentiel de leur environnement en termes de gestion de l’eau et du paysage d’une manière générale. Ce que nous souhaitons appeler une communauté hydrologique se met en place.
Enfin, nous rappelons que Bruxelles environnement souhaite mener une étude de déconnexion des eaux de pluie des égouts (pour l’infiltrer, la faire s’évaporer, la retenir, la ralentir, la stocker, etc.)... Cette étude commencera en 2023. Nous proposons que l’on attende donc la fin de cette étude pour décider si l’on construit ou non ce bassin d’orage. On peut faire comme pour les grands bassins d’orage, attendons 2025. Car les modes de calcul datant de 2011 pour dimensionner le BO sont en train de changer et qu’ils vont devoir intégrer les nouvelles manières de gérer l’eau de pluie ouvert sur un urbanisme plus collaboratif et l’aménagement du territoire.
Des habitants s’expriment aussi
Karin Stevens, des Amis de la Forêt de Soignes, rappellera à juste titre aussi, que le Bassin d’orage empêchera de prendre en considération un autre aspect lié au changement climatique. Les eaux étant renvoyées vers les égouts elles ne s’infiltrent pas assez et n’alimentent pas suffisamment les nappes phréatiques. Les épisodes de sécheresse ne faisant que s’accroître eux aussi… C’est un peu la quadrature du cercle.
Karin rappellera aussi les potentielles nuisances sur l’environnement que provoqueront assurément le chantier du BO et le BO en tant que telle dans la nappe phréatique. Surtout il est rappelé que d’autres chantiers voisins prennent place dans cet environnement et qu’il ne faut pas seulement considérer le BO, mais le BO avec les conséquences de ces autres projets.
Balade des Heurs et Malheurs de Tenreuken - Journée bruxelloise de l’eau 2022
La réponse des officiels
L’intensité et les fréquences des pluies diluviennes ne vont faire que s’accroître avec le dérèglement climatique, nous rappelle Marc Aerts d’Hydria et à juste titre. Il est possible aussi que l’imperméabilisation des sols ait accru depuis. Pour Hydria, il n’y a aucune chance que l’on ait désimperméabiliser les sols d’ici dix ans, même si Hydria ne soit pas contre une gestion intégrée de l’eau de pluie. Car le BO ne sera pas suffisant, de toute façon et qu’il faut l’accompagner d’autres mesures.
Par ailleurs, il est vrai qu’il n’y a pas que les questions environnementales mais qu’il y a aussi les questions sociales des personnes qui sont inondées et Mr Lefèbvre, échevin à Auderghem où se trouvent le plus d’habitants victimes le rappelle avec force. Et c’est vrai que pour ces personnes des mesures sont à prendre.
La Commission n’est pas un lieu de débat
Malheureusement, les commissions de concertation ne sont pas des lieux de débat. Et nous n’avons pas pu rétorquer que nous n’étions pas d’accord sur le fait que les choses ne puissent avancer d’ici les dix ans. Des actions simples pourraient réduire grandement les quantités d’eau allant vers les égouts. Nous aurions rappelé que nous sommes solidaires des personnes victimes des inondations et que c’est pourquoi il faut aller beaucoup plus vite dans la transition. Nous aurions pu dire aussi que ce ne peut-être que le fruit d’une volonté politique. Nous aurions pu dire encore que la construction des BO permet aux communes de ne pas prendre en charge la responsabilité d’une autre gestion de l’eau de pluie et ce depuis des décennies et donc va permettre une nouvelle procrastination de la part de ces dernières et de la Région aussi.
Les jeux étaient joués
Bruxelles environnement et Urban Brussels membres de la Commission ont un avis préformé - le projet de BO est bloqué depuis trop longtemps - et appuient Mr Lefèbvre en ne tenant aucun cas de notre position, notamment celle d’attendre la fin de l’étude de déconnexion des eaux de pluie emmenée par Bruxelles environnement même, qui pourrait bien, du coup, avoir une position schizophrénique, ce que nous aurions pu dire aussi... Ces deux organismes donnent un avis positif pour le permis d’urbanisme. On le sentait bien, les jeux étaient faits avant toute discussion. Cet avis positif de la Commission de concertation est évidemment la base d’appui pour que le permis d’urbanisme devienne effectif.
La difficile transition nous endort-elle ?
Décidément, la transition semble bien difficile. Mais sans volonté politique toutefois, elle n’adviendra jamais. Le concept de transition serait-il celui-là même qui nous empêche de penser la transition ? Certains de plus en plus nombreux le pensent. On le voit pour le réchauffement climatique où la transition n’a pas encore commencé de s’effectuer vraiment, alors que ses effets réels se font sentir tout aussi vraiment et brutalement, devenant un argumentaire même pour ceux dont la gestion de l’eau.
Cela pourrait bien être vrai aussi pour la gestion de l’eau en ville… Cela fait si longtemps que la question est posée et que 20 ans après que la critique des BO est posée, c’est toujours la politique dominante qui sévit. Faudra-t-il être plus radical face à la machine bétonnante ?
Nous avons la certitude que l’on ne peut changer le monde d’un coup de baguette magique et que sa transformation ne se fera pas sur la base d’une table rase. Mais le débat sur l’usage du concept de transition pourrait bien prendre forme, tant de la part de ceux qui prônent une sociologie critique, que de ceux de ceux qui qui prônent une écologie plus profonde.
Que cela en tout cas ne nous empêche pas d’avancer sur le chemin de la construction de nos communautés hydrologiques, au contraire.
Dominique Nalpas
Les EGEB